26.07.2017

 

Špela Jelenc 

 

Le 24 juin 2017, Jacques Alain Miller a, au cours de la première leçon de son nouvel enseignement (année zéro), mentionné la dissolution de « l’Ecole Freudienne de Paris ». Il a partiellement attribué les causes de cette dissolution aux difficultés de Lacan à renforcer la présence de son école en Belgique, en Suisse… L’école était trop « parisienne », les membres étaient presque tous liés à la « rue de Lille » et au divan de Lacan.

Ainsi, en 1981,« L’Ecole de la Cause Freudienne » a été délibérément fondée en tant qu’école ayant « une vision et une présence internationales ». Cette ambition, qui dure depuis 37 ans, se réalise aujourd’hui en Slovénie.

La nomination est « un trou dans le réel », un passage du réel au symbolique. La nomination est la fonction du « Nom du Père ».

« Je réduis le NDP à sa fonction radicale qui est de donner un nom aux choses » a dit Lacan, dans le Séminaire RSI.

Regardons ce que nous évoque, dans cette perspective, la nomination « L’Association Slovène de la Psychanalyse Lacanienne » :

 

  • « L’Association », le choix du signifiant « association » plutôt que celui d’école peut se raisonner dans l’esprit « L’école est Une, les associations sont plusieurs »

  • « Slovène », est un signifiant de la subjectivité et de la singularité de l’espace où opère l’association, ainsi que celui, si nous citons Freud, de la spécificité du « Malaise dans la civilisation »… slovène!

  • « De » indique une appartenance, une orientation

  • « Psychanalyse » est un signifiant qui indique qu’il y a un analysant et un analyste. La « psychanalyse » se réfère à un enseignement qui soutient et « permet » la pratique de la cure. Les piliers de la formation du psychanalyste sont, au delà de sa cure personnelle, le suivi d’un enseignement, la participation aux cartels et au contrôle.

  • « Lacanienne » :  « Je suis Freudien, vous êtes lacaniens » a déclaré Lacan à la fin de son chemin analytique et a ainsi récusé la tradition du « Nom du Père ».

Cette orientation, dite lacanienne, est celle de la lecture de Freud par Lacan et de l’enseignement qui en a découlé. Les sources principales en sont les séminaires et les écrits, Écrits et Autres écrits.
L’enseignement, qui était au départ destiné aux seuls psychanalystes, a bénéficié plus tard d’une audience élargie. Lacan était un « hérétique » car il a contextualisé (en appui sur d’autres disciplines du savoir) la lecture de Freud en la nouant au monde post moderne. A propos de son inventivité, il a reconnu n’avoir inventé qu’un seul nouveau concept : « L’objet petit a ». Il a aussi dit que Freud avait ses catégories « le Ça, le Moi et le Surmoi » et que lui, avait les siennes, « le Rėel, le Symbolique et l’Imaginaire » (dans le dernier enseignement de Lacan c’est justement la question du type de nouage RSI qui fonde une nouvelle approche clinique). Cette position peut être considérée comme modeste car nous savons que Lacan était inventif dans sa pratique psychanalytique et qu’il s’ėtait éloigné des chemins classiques des théorisations et pratiques des psychanalystes post freudiens.

 

La psychanalyse lacanienne entame tardivement sa présence dans l’espace slovène. Nous pouvions observer jusqu’ici une séparation radicale entre la théorie lacanienne de la psychanalyse et la pratique psychanalytique. Dans cet espace, on ne pouvait pas seulement observer une présence puissante et légitime d’un discours universitaire dominant (représenté depuis longtemps par « L’Association pour la Psychanalyse Théorique »), mais aussi constater une surprenante exclusion du discours analytique.

Ce qui peut se lire déjà à partir de la nomination suivante: « L’Association pour la Psychanalyse Théorique ». Je vais me permettre une interprétation, toute subjective. La nomination « psychanalyse théorique » est un oxymore, la psychanalyse ne peut en aucun cas être théorique car elle est dans son essence, une expérience et une pratique. Si la psychanalyse est dite théorique alors elle ne peut, en aucun cas, être une expérience et une pratique. Nous sommes mis, par cette nomination, dans une situation de choix forcé, de perte, de castration, qui est « ou je choisis la psychanalyse théorique ou je choisis la psychanalyse en tant que pratique » (chaque choix excluant l’autre). La nomination « L’association pour la Théorie Psychanalytique » à la place de « L’Association pour la Psychanalyse Théorique », pourrait s’entendre tout autrement.

De la théorie à la pratique, c’est le pas que l’Association Slovène de la Psychanalyse Lacanienne a déjà franchi par la justesse de sa nomination.